Aïe, pense Harpon. Elle a des ampoules, et sortir de l’eau fait partie des pires sensations au monde. Pensez-y : dans l’eau, Harpon se sens portée, entourée, comme en apesanteur. Hors de l’eau, elle sent tout son poids l’accabler. Et si elle s’écrasait elle même ? Harpon respire. Ses peurs sont ridicules, souvent.
Il n’est même pas sept heures du matin, mais le soleil brille doucement. L’eau de mer sèche, laisse la peau de Harpon poisseuse. Ça ne la dérange pas le moins du monde. Elle a déjà accompli une bonne partie des tâches prévue dans sa journée. Elle a exploré un nouveau coin de pêche, fait quelques belles prises qu’elle a vendu avant l’aube. La pluie tombera aujourd’hui.
Levée au milieu de la nuit, Harpon commence à fatiguer. Son estomac gargouille doucement, mais elle se décide d’abord pour une petite sieste. Elle a juste besoin de se rincer et de mettre des vêtements secs. Elle récupère la clef sous le pot de fleur à coté de la porte, et ouvre. Elle oublie souvent de la fermer, après tout, elle ne prend pas la peine de fermer les fenêtres, mais Sven, son oncle, lui a fait promettre. Ce n’est pas qu’elle obéit à son oncle, c’est qu’elle tient une promesse. Parfois.
Harpon se douche, réponds à ses mails, met du café à couler, et traverse la maison à toute vitesse.
Une fois dans le jardin, elle ralentit. L’air sent les embruns. Ici, on entend toujours la mer. Le jardin est toujours ensauvagé. Quand elle est arrivée, au milieu de l’été, elle a loué une tondeuse et une débroussailleuse, mais les plantes ont bien profité du soleil. Un grand chêne abrite la maison. Les fleurs sauvages embaument. Au fond du jardin, deux pommiers offrent un coin d’ombre.
C’est son coin préféré : d’abord parce que c’est le point du jardin le plus proche de la mer, et qu’Harpon peut y apercevoir son bateau au port. Ensuite, parce qu’elle y a installé son hamac. Harpon profite du temps clément des mois d’été pour dormir dehors. Elle n’est pas dérangée par la pluie, ni par la rosée, moins que part les murs et le toit. La sensation de dormir dans un hamac, suspendu, et celle du doux balancement lui rappellent le ressac de la mer.
Elle s’approche, et s’apprête à s’y laisser tomber, quand elle sursaute.
Il y a quelqu’un dans son hamac !
Harpon se frotte les yeux. Par tous les diables. Elle sait qu’elle voit parfois des choses étranges en mer, mais sur la terre, ça n’arrive jamais. Elle regarde mieux. Rien d’étrange ici. C’est juste un gars.
Il a pas l’air d’être très en forme.
Harpon se frotte la nuque, interloquée. Après plusieurs années passées sur des navires de pêche, ce n’est pas la première fois qu’on lui pique son hamac, mais ici, c’est curieux. C’est un jeune homme, tout pâle, roux. Elle regarde mieux. Il fait frisquet à l’ombre, ça ne doit pas être très agréable de dormir sans être couvert.
Quelle qu’en soit l’histoire, elle doit réveiller cette personne. Elle verra ensuite pour les détails.
Harpon prend son courage à deux mains.
“Bonjour ? Je crois que vous vous êtes endormi sans le vouloir. Tout va bien ?”