’est le milieu de l’été, le soleil vient de se lever, il est encore doux sur ma peau claire. Une légère brise vient faire danser mes cheveux, alors que je profite de ce temps parfait pour chercher des coquillages au bord de l’eau. Les vagues s’écrasent mollement sur mes chevilles, mes pieds nus s’enfoncent légèrement dans le sable humide. L’eau est fraîche. Je la préfère comme ça. Je tiens le bas de ma robe blanche un peu relevé pour y ranger mes trouvailles, une dizaine de jolies formes nacrées et colorées y sont nichées. Je commence à avoir faim, je suis partie sans déjeuner ce matin. Comme pour corroborer ma pensée, mon estomac gargouille bruyamment…

Je m'éloigne de l’eau et retourne à ma cabane. Un petit édifice en bois, dans un coin calme de la plage. De l'extérieur on pourrait la croire abandonnée. Mais on peut voir à la fenêtre mes attrapes-soleil répandre mille couleurs à l'intérieur. J’ouvre la porte grâce à une clé que je porte autour de mon cou, elle grince presque autant que le parquet quand je rentre. J’aime l’odeur de bois et d’humidité de mon foyer. Je pose les coquillages sur la table au centre de la pièce, j’en ferai de nouvelles décorations plus tard. Comme pour me dire de me presser, mon ventre gronde de plus belle. Je baille, m’étire et me penche pour sortir une petite malle de sous le lit. Je récupère la clé que j’ai cachée sous une latte du parquet. A l'intérieur se trouve mon bien le plus précieux, un morceau de moi. Ma peau de phoque. Je me déshabille, et l'enroule rapidement autour de mes épaules, elle est si douce.

Je ressors, et m’avance rapidement jusqu'à l'eau. Là je l'enfile et plonge sans attendre. Ma silhouette humaine gracile est remplacée par un corps rond et musclé. Mes jambes ne sont plus qu’une grande nageoire, mes yeux deviennent d’un noir profond et ma chevelure laisse place à une fourrure argentée parfaitement hydrobloquante. Je ne me sens jamais aussi libre et puissante que sous cette forme. Je fuse sous l’eau (qui ne me paraît plus si froide), ne laissant que quelques bulles dans mon sillage. Je rejoins rapidement mon coin de chasse favori. Des centaines de petits poissons nagent en banc. Des sardines. Mon petit déjeuner préféré ! En plus d'autres comparses se joignent à moi pour se festin.


Après plusieurs heures de chasse et de jeux avec les autres phoques, je me décide à rentrer. Plus j’approche de la côte et plus je me sens attirée par la terre ferme, plus que jamais auparavant. J'accélère. Je remonte, fais quelques sauts au-dessus de l’eau et remarque que la nuit est déjà tombée. Une fois assez proche du bord de la plage, je retire ma peau pour reprendre ma forme humaine. Je m'entoure à nouveau de celle-ci pour protéger ma peau, redevenue plus fragile, de la bise nocturne.

Je n'ai plus que les jambes dans l’eau quand je la vois. Une silhouette qui se découpe dans la lumière de la lune et des étoiles. Juste une forme sombre et pourtant je sais. J’en suis sûre. C’est elle. Elle est enfin rentrée. Je cours pour retourner sur la terre. Pour la rejoindre. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Et je crie à pleins poumons en courant dans sa direction :