Aujourd'hui c’est une magnifique journée ensoleillée comme je les aime tant ! Harpon dort encore quand je me lève. Je quitte mon hamac, pour rejoindre la cuisine. Je lance la vieille cafetière, pour quand elle se réveillera. L’odeur du café se mêle délicieusement à celle du bouquet de fleurs qui trône sur la table. J’ouvre un placard pour récupérer une boîte de sardines, et la dévore avec un peu de pain de la veille. J’entends le bruit des vagues par les fenêtres grandes ouvertes. Je vais sûrement passer la journée dehors aujourd’hui ! Le groupe de phoque local sera sûrement en train de profiter des rayons du soleil sur les grands rochers proches de la côte.

Je me demande s’il y aura aussi quelques humain.e.s. Ces derniers temps j’ai envie de me rapprocher des habitant.e.s de la ville. Il y a quelques jours, Harpon m’a parlé de sa virée en bateau avec une jeune fille à la longue chevelure violette, j’ai oublié son prénom, mais ça avait l’air d’être une sacrée aventure. Je décide de sortir sous ma forme humaine au cas où. Les phoques reconnaîtront mon odeur de toute façon, l'apparence n’a pas beaucoup d’importance pour eux. Je rassemble mes cheveux en une longue tresse, enfile une robe verte, longue et vaporeuse que j'adore. Je tourne sur moi même devant le miroir et prends plaisir à la voir virevolter.


Je jette un coup d’œil à Harpon avant de partir, elle est toujours profondément endormie, ses cheveux en bataille encadrent son visage, mon cœur bat un peu plus fort quand je la regarde. Je m’arrache à cette adorable vision, appelée par l’air marin et l’envie d’aventure. J’arrive rapidement au bord de l’eau, effectivement, mes amis à nageoire sont déjà là. Une dizaine de mammifères marins se prélassent et attirent les regards des humain.e.s curieux.ses. Malheureusement aucun ne semble me voir. Tant pis pour cette fois, je décide de nager tranquillement jusqu'aux rochers. Même sous cette forme, je suis une excellente nageuse. L’eau fraîche est agréable, ma robe flotte autour de moi, j’ai l’impression d'être une jolie méduse. Je m'assois au milieu des phoques qui viennent me saluer, je leur frotte amicalement le museau, les gratouilles sur les ventre ou sous le menton. Toute cette agitation semble attirer encore plus l’attention des gens sur la plage. Une enfant crie à ses parents qu’il y a une dame là-bas, mais ils ne l’écoutent pas plus que ça. Mon regard s'arrête sur une silhouette que j'étais curieuse de voir, avec de longs cheveux violets qui flottent dans le vent.

Noyade

une belle journée s'annonçait et tu avais prévu de faire de nombreuses choses, notamment d'aller faire du shopping avec des amies, d'aller au restaurant avec elles puis d'aller faire bronzette sur la plage en étant incognito - des lunettes de soleil noires bien entendu étaient prévues pour cette opération.

la matinée s'était déroulée sans encombre et le restaurant fut fort délicieux ; un bon steak haché bien gras qui promettait quelques heures de séances de sport le lendemain, avec un peu de sauce au poivre et des frites fraîches - le comble du bonheur que tu pouvais espérer, même si cela pesait un peu sur l'estomac. une bise et te voilà repartie chez toi pour prendre tes affaires de plage, des lunettes et un chapeau de pirate pour ne point que le soleil tape trop fort.

une serviette déjà posé sur le sol tandis que tu sors un petit parasol que tu trimballais tu ne sais comment, vu le poids qu'il pesait ; te mettant rapidement de la crème solaire sur le corps et admirant au loin les phoques et les touristes pressés de les prendre en photo ; t'étalant comme ces braves bêtes à même la serviette pour bronzer un tant soit peu. sachant déjà pertinemment que tu risquais plutôt d'être rose écrevisse plutôt que chocolat. mais qui ne tente rien...

une heure dû passer, assoupi que tu fus, te redressant en bâillant magistralement - il fallait que tu te dégourdisses les jambes. un nœud qui se perd entre ta longue chevelure pour faire une queue de cheval avant de prendre la direction de la mer ; tu n'avais pas particulièrement peur de celle-ci, mais tu préférais quand même rester assez proche du bord ; pataugeant d'abord avant de prendre ton courage et de faire quelques pas pour que l'eau aille jusqu'à ton ventre - une main qui se perd entre les gouttes pour venir mouiller le haut de ton corps et ton cou.

quelques pas encore avant d'être immergé et de nager ; toujours à quelques brasses de ce bord, de cette plage ; mais suffisamment loin pour ne pas du tout avoir pied.

une douleur fulgurante ;
une grimace sur ton visage ;
une main qui tente d'atteindre ton pied ;
une panique qui monte tandis que tu bois la tasse.

une fois.
deux fois.
trois fois.

ne pas réussir à recracher le surplus.
sentir que tu commençais à descendre,
ton autre bras qui se tend tandis que la douleur ne part point.

une jambe qui bat frénétiquement ;
des éclaboussures.

mais tu n'étais pas loin.
quelqu'un viendrait, n'est-ce pas ?
les iris bien écartés tandis que des bulles d'air s'échappaient de ta gorge qui avait mal, si mal.

cela brûlait.
une mer si froide et si noire.
qui t'enferme entre ses bras.
tandis que tes doigts tentent de s'accrocher, tandis que ta main est toujours pointée vers le ciel qui disparait, tandis que la lumière se fait de plus en plus loin.

à l'aide !

La silhouette avance dans l’eau avec prudence. Elle ressemble en tout point à la description que Harpon m’a faite de la jeune fille avec qui elle est partie en mer. Malheureusement je crois qu’elle ne peut pas me voir… Mais ce n’est pas ça qui va m’arrêter ! Alors que je réfléchi à un moyen d’entrer en contact avec elle, l’humaine disparaît brusquement sous l’eau. Elle est finalement plus téméraire que je ne le pensais. Assise au bord du rocher j’attends de la voir remonter… Mais trop de secondes passent pour que tout soit normal. Et l’écume porte à mes oreilles une complainte.

"À l’aide !"

“Oh non”

Sans hésiter un instant de plus, je plonge. Je nage aussi vite que mes jambes et mes bras me le permettent. Si seulement j’avais ma peau pour me transformer, je serais encore plus efficace. Trois phoques me suivent par réflexe. Heureusement ma petite escouade arrive rapidement à localiser la jeune femme. Je repère au loin une longue forme qui coule vers le fond, attirée par les courants capricieux, elle ne se débat déjà presque plus. J'accélère encore. Vite. Plus vite, ou la mer ne la rendra pas, sa place n’est pas ici dans les profondeurs, les eaux ne doivent pas la prendre. Elle était si magnétique quand elle se tenait dans les vagues. Sa peau reflétant la lumière comme la surface de l’eau, joliment contrastée par sa chevelure sombre. Une nymphe ai-je pensé. Mais cette nymphe est maintenant avalée par l'abîme.

Enfin, ma main finit par l’atteindre, mais je passe à travers elle. J’ai un instant de panique… Heureusement je suis aidée par les phoques, qui arrivent à la porter avec mes instructions. Je remonte à toute vitesse à la surface à leurs côtés. Avec soulagement ma tête sort de l’eau, alors que j’arrive moi même à bout de souffle. Je prends une grande inspiration avant de vérifier si l’humaine respire encore en secouant vigoureusement le gros phoque qui la porte.

“Allez, réveille toi, ça va aller maintenant !”

Noyade

cette sensation désagréable de boire l'eau,
cette sensation désagréable de tousser en crachant,
cette sensation désagréable d'en avaler une fois,
puis deux,
de tousser encore,
et de reboire cette eau.

jusqu'à ce que le corps ne puisse plus,
jusqu'à ce que des points noirs englobent la vision,
jusqu'à ce que la douleur se répande jusqu'au ventre.

et de perdre pied.

une pulsion qui pousse contre ton dos tandis que la lumière se rapproche à toute vitesse ;
pensant que c'était ta fin, que c'était le tunnel au bout de la lumière,
que la vie t'avait quittée.

non.

le soleil éclaire tes paupières ;
tu tousses l'eau ;
trop longtemps ;
ne sentant même pas la surface contre ton dos ;
ne sentant même pas que cette surface remuait ;
que cette surface se faisait remuer par une invisible.

des crachats qui retombent sur ton visage déjà trempé ;
tandis que tu essaies de reprendre ton souffle,
fixant ce soleil.

tu reprends doucement vie, une main lasse et lourde, le dos de celle-ci se posant sur ton front pour te masquer les rayons, le bras bien trop lourd pour faire d'autres actions. tu remues pour te mettre dans une position un peu mieux, la surface s'affaissant dans l'eau pour te permettre cette action. avant que tu ne t'arrêtes dans ton geste. depuis quand une surface bougeait ? tu te mets rapidement à l'eau, te tenant à ... un phoque.

tu regardes à droite et à gauche, tu vois les gens qui photographient et filment ça ; assez soulagé apparemment pour ne pas s'approcher ou trop peureux - peur que les phoques s'attaquent à eux. il est de notoriété qu'un phoque n'est pas brave et peut s'attaquer aux navires transportant des poissons. tu fixes ces deux yeux et frissonnes, te rendant compte que tu étais encerclée.

encore un étrange phénomène.

tu es pragmatique, tu te dis simplement qu'ils ont dû te prendre pour une proie et t'ont ramenée à la surface. rien de paranormal dans cette histoire. rien de lié à des invisibles dont tu ne crois nullement à l'existence de près ou de loin.

((si seulement tu savais qu'à quelques pieds de toi se trouvait une sirène, comme dans les contes, sauf qu'elle ne pouvait pas te manger toute crue))