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Outfit – L’air est chaud, la lune ouvre ses yeux sur la jeune âme qui déambule dans la rue à la recherche d’un truc à faire, il kiff ses vacances, mais il sent bien que dans l’inconscience de sa nonchalance, qu’un drame dormant rôde en silence - guette l’instant propice pour mieux lui tirer une balle qui mettra à jamais une dérouillée à son organisme. Il ne se doute pas une seule seconde Aaron, de ce qui se passe actuellement ; il est là, à faire du skate, à traîner la rue avec ses potes, à boire des bières dans cette jeunesse décadente qu’il tente de ne pas laisser filer - qu’il continuera de contempler du haut de sa fenêtre, assis sur le rebord, comme prêt à sauter pour en terminer. Gran n’a pas voulu le suivre, n’a pas voulu sortir, souhaitait rester tranquille à la maison devant une série.
Si seulement, lui aussi, était resté.
Une figure dangereuse, la rampe et les potes un peu éméchés qui l'encouragent, quand survient la douleur vive ; celle dont il se souviendra à tout jamais, brûlure particulière qui part de la racine même de son âme, de tout ce qui définit son être. “Ya un problème, y’a un problème, y’a un putain de problème.” Il chute au sol Aaron, main la première sur le sol, suivit de prêt par ses genoux, jean qui se déchire à l’impact, mais la souffrance ne vient pas de là ; c’est son putain d’organe vitale qui à mal. Le rythme effréné de son palpitant le laisse allongé parterre, le regard scrutant le béton auquel est collé son visage, les larmes ruisselant automatiquement sur ses joues qui, plus tôt rougirent par l’effort, deviennent désormais pâle comme la mort. C’est ça. C’est le bon terme.
Gran. Si le sang coule de ses plaies, le jeune adolescent n’en a que faire, la douleur est abstraite, c’est une blessure plus mortelle qui s’empare de lui, qui charcute son corps, l’empêchant de bouger correctement.
La sonnerie de téléphone retentit, une fois, deux fois, trois fois, dans un bruit assourdissant, alors que ses potes scandent son nom ; mais tout n’est qu’un écho.
Courir comme un dératé, à s’en époumoner, à sentir sa cage thoracique se soulever à chaque impact du talon sur le sol, la trachée devient brasier incandescent que rien ne pourra plus jamais abreuver, la sécheresse sera son pain quotidien. C’est d’un coup d’épaule qu’il défonce la porte du hall d’entrée de l'immeuble, n’attendant pas l’ascenseur, grimpant les marches trois par trois, la sonnerie encore retenti, mais pas besoin de décrocher, ce lien si particulier qui les rattaches depuis le ventre de leur mère venait de parler ; d’apposer sa sentence irrévocable. Plus rien ne serait jamais comme avant, c’était indubitable. Pénétrant dans l’appartement, c’est un cri strident de sa mère provenant de cette chambre qui l'accueille ; le clouant sur place. Cette voix déchirée, la détresse dans des pleurs, il sait. Aaron sait. Et jamais il ne s’est senti aussi démuni qu’en cet instant, jamais il n’a été croyant, jusqu’à maintenant ; car, pour la première fois de sa vie ; il prie.
Par pitié.
Ne me prenez pas mon frère.
Ne me prenez pas ma vie.
Ne m’enlevez pas mon pilier. La carcasse bouge enfin, la main se pose sur le mur pour chercher un soutien, car plus il avance, plus les hurlements se fracassent contre lui, comme des coups qu’on lui assène - un peu plus, un peu moins, c’est de bonne guerre… Quand enfin, il dépose sa main sur la porte, le grincement du bois le laisse sur le carreau devant ce spectacle macabre. Voir son reflet, sa moitié, dans ce lit, inerte, qui ne répond pas, qui ne bouge pas, paraissant serein, mais la mort lui marquant déjà le teint. Quand son père se retourne vers lui, c’est une colère froide qui s’empare de ses traits, l’attrapant par le col et le plaquant au mur derrière. Les questions s’enchaînent. “T'ÉTAIS OÙ ? POURQUOI T'ÉTAIS PAS A LA MAISON ? TU L’AS LAISSÉ TOUT SEUL ?! POURQUOI TU NE PENSES QU’À TA PUTAIN DE GUEULE ?!” C’est ce qui le frappe, le percute de plein fouet ; seulement Aaron ne comprend pas - il ne comprend rien. Il n’est même plus certain d’entendre correctement, il est juste sur pilote automatique. C’est la claque que son père lui file qui le fait revenir à la réalité, s’arrachant à son emprise pour s’approcher de son frère, de déposer une main sur sa joue froide, très vite retirée par sa mère. “C’est ta faute.” Pourquoi ? C’est la question qui lui vient, mais y’a rien qui sort ; le jeune homme reste interdit, alors que son père appel les services funèbres.
Pour….quoi ? Une simple question à laquelle il n’obtiendra pas de réponses…. Pas aujourd’hui, pas ce soir, pas en cette terrible nuit qui lui aura arraché son jumeau.
C’est le lendemain, assis dans le salon, sans avoir dormi, le corps emporté par les services, que les langues se délient. La maladie. Insuffisance cardiaque depuis la naissance. En attente d’un donneur compatible qui n’aura jamais pointé le bout de son nez. Et les reproches arrivent de nouveau. “Dans mon ventre, tu prenais toute la place, tu ne laissais rien pour ton frère, t’avais toutes les forces, t’étais déjà égoïste.” Une balle perdue qui file, qui fuse et se loge une bonne place dans son palpitant qu’il souhaitait mort en l’instant.
J’y… Suis pour… Rien putain… “C’est jamais de ta faute, c’est toujours comme ça, faut toujours que t’en fasse qu’à ta tête, t’aurais dû être là hier.”
Mais… Je savais… Rien. Un coupable désigné, pas plus d’explications ne lui seront donnés. Il est perdu, Aaron et pour l’heure, tout en lui, rappelle à ses parents Gran - car c’est son portrait craché, son reflet dans le miroir, le pile alors qu’il était face… “Va-t’en…” Il n’est pas certain d’avoir bien entendu, il ne sait pas, il ne sait plus. “Pars.”
C’est la gorge nouée, qu’il s’est levé, qu’il a quitté la pièce, attendant malgré tout un signe, une étreinte, un rappel à eux ; mais rien. Rien ne survient. Il a quitté cette baraque avec une simple veste, un jean troué, un sac à dos et des larmes sur le visage. Il venait de perdre son frère, on lui faisait perdre également son père et sa mère. Coupable sans le savoir, pour des choses qu’il ignorait. Secret d’une famille qui pète à la gueule du seul à qui on a tout caché.
C’est comme ça qu’il s’est retrouvé Aaron, à errer, à traîner, vivant chez des amis, par-ci et par-là, rentrant quand le calme revenait, avant de repartir à la première engueulade.
Car pour eux, il restera à jamais, le seul et unique responsable.
hrp // le rp solo de la backstory adieu