Je ne sais plus quand j'ai arrêté d'y aller
sur le chemin du cyprès
je préférai me languir à la fenêtre
du retour...du toujours...

c'était son arbre préféré
qui poussait dans les marais
celui contre lequel tu te poses
n'a plus rien à boire
si ce n'est ta peine et la bouteille
vide
à tes pieds
contre une racine nichée

La nuit tombe lorsque claque la porte
tu es bien fatigué d'avoir dormi
sans avoir pu l'atteindre à nouveau
je savais ce que tu essayais de faire
le faire revenir comme moi je peux exister
mais ton vœux n'était pas exaucé
si pour une nuit
si pour une journée
si pour une vie
et la fin de celle-ci
crois-tu donc que je n'y ai pas pensé ?
avant toi j'étais la mieux placer pour savoir
mais mes vœux à moi sont néants, faites pour
servir et non recevoir

Je crois que tu m'en veux
de ne pas trouver pour toi
ce petit carré de métal
qui jonchait contre son cou
voir sa lumière dans le coin de l’œil
qui frétille qui capte le soleil
fait rebondir d'un volte face le regard
contre un sourire attendri d'une mémoire
une mémoire oui, mais que tu pourrais
serrer dans les bras

c'est toi dans les recoins du miroir
qui fait faux bond à tes mirages
on ne peut pas plus te faire choir

Je ne t'ai pas accompagné
peut-être que je t'en voulais de ne pas être
si parfait
j'ai attendu la rigidité de ton souffle
de ta posture affalée
avant que la civière arrive je me suis posée
pour voir ce que tu voyais
les branches et feuilles folles
d'entre lesquelles transperce le ciel
la lumière un coup aveuglante
et un coup si plaisante au bon vouloir
du vent qui remue nos mèches

ça m'a rappelé tous les jours où je venais
j'aimais ainsi grâce à la brise te toucher
sans de mes mains s'y mêler
ta chevelure qui ondule et se tord dans la mienne
c'est si doux, de cet douceur qui me manquais
celle dont je t'ai accablé demandeuse et affamée
Je suis désolé...

---

(si seulement tu m'entendais
m'aurais-tu pardonné ?
je scelle dans mon cœur
ton petit bout de métal
mêlé au sien
qui dans le reflet de mes pupilles
brillent en commun)

   
Combien de temps pour tes premiers mots pour tes premiers pas tes premiers rires
[...]
je ne me souviens
que de mon visage blême
une ombre claire
déposée sur tes rétines noires

Je ne me souviens de rien

Les livres achetés,
les comptines sur les cassettes
je les lisais, je les écoutais
sans vraiment te regarder
je découvrais et tes babillement
un fond sonore qui ne m'étais pas tout à fait
indolore

tes yeux tes cheveux
l'arc de ton nez qui se dessinait
petit à petit
toujours plus droit
comme le sien, le portrait craché
quel cadeau empoisonné

Je me demandais souvent
si j'avais été aussi incompréhensible que cela
pour qu'il puisse croire que tes traits
soient une boîte à amour dans laquelle il avait
déposé le sien
espérant y trouver même après la fin
pendant des années encore le mien

Il était je crois dans mes yeux
un fantôme qui ne voulait pas dire ses adieux
et dans les siens ? et dans les siens...
pas une mère, ni même une nourrice
L'épée de Damoclès, un destin terrible ?
Ce n'est pas dans les yeux de Jacques
que je me trouvais morbide
mais dans les siens, c'était moi
le fantôme
le spectre du destin
J'aurai donc tout fait pour gagner ce titre

Ô comment t'aimer ?
comment te vivre
je n'ai jamais voulu être mère
je n'ai jamais voulu être humaine
l'ais-je cru
jusqu'à te perdre
jusqu'à manquer
de ces souvenirs qui nous auraient liés

Si j'avais été humaine
aurais-je pu t'enfanter ?
de mon sang que tu aurais fait couler
aurais-je pu t'adouber ?
un amour infaillible et fort
que j'aurai versé dans ton amphore
Alors...
[son train de pensée s'arrête
son cœur se serre
il n'y a plus rien à faire]
   

---

(Parfois je rêve t'avoir aimé
c'est étrangement doux
comme lorsque j'ai su
que tu disparaitrais au loin
Je n'ai jamais aimé que ce qui se casse
alors parfois je rêve d'aimer sans fracas
je te tiens la main dans ceux là
elle est petite et chaude comme l'été
tes pupilles brillent, leur noir n'est pas triste,
il brûle de vie
ton été invincible gagne mes doigts frais
dans ce rêve, tu es choyé
et je me sens
un peu moins éthérée...)
 

Qui est cette dame dans l'aube
avec ces allures de crépuscule
il m'a semblé un jour que ses pleurs
étaient rosées
et maintenant
porteur des tristes inévitabilités

toujours dans la rivière
la trouble vision ne dérangeait pas
la lavandière d'émotions
jusqu'à quand ?
on le sait bien
on le sait trop
et plus le temps passe plus
ce miroir d'avant nous trépasse

pieds nus, elle marche sur les corps contorsionnés par une douleur
qui lui sied comme la poudre rose sur les joues rebondit une fois
la marée passée
on sait quand cette dernière n'a plus voulu se retirer

C'est la faute de l'éclipse
la lune qui se permet d'embrasser le soleil
pourtant les deux sont si opposés si éloignés
c'est un amour qui hante le cosmos reflété lors de la cérémonie
dans les gouttes d'eaux qui se fondent dans la pluie

maintenant dans les miroirs
que vois-je qui vois-je ?
sous les traits tirés
qui est ce que je cherche encore ?
les traits sont restés tel quel
pourtant il y a dans la commissure des lèvres, le plis de la paupière
la maladie d'un désespoir qui ravage l'âme
les rires n'ont plus le même goût
les sourires sont contenus
l'on pleure l'on pleure encore toujours mais toute la peine
celle pure qui nous donnait du bonheur
enfermée à double tour
avec des médaillons dans le double fond
d'une boîte à musique

J'ai enterré toute la douleur du monde
d'avant
celle qui me faisait danser sur les tombes
déposer des bises contres les perles au coins des yeux fatigués
apaisée
J'ai enterré toute la joie de mon être dans le passé
Pour ne pouvoir plus que me souvenirs, à regret

enfin je comprend
enfin je subis pour de bon
la boucle est bouclée
la banshee pleure des carcasses
qu'aucune autre peine ne peut réclamer
 

---

(la musique de la boîte s'étale dans l'air
qu'occupe mes pensées
où ais-je bien pu la ranger ?
quelques part en Louisiane dans le sol meuble
ou encore derrière une planche du parquet
c'est un trésor un secret une
tombe
qui hante encore mes souhaits)