le temps n'est guère clément et la neige descend lentement recouvrir celle déjà existante sur le sol, quelques centimètres d'un blanc pur qui aveugle nos pauvres yeux - il faut dire que nous avions attendu le milieu de journée avant de sortir de notre grotte, littéralement, mais le soleil tapant était percutant de clarté. heureusement que les nuages allaient bientôt prendre place - nous laissant avec ce soleil bien trop curieux dans notre sillage, venant nous planter dans un endroit bien particulier de cette forêt.

ce n'était pas totalement un cercle de pierre ; tout au mieux trois pierres formant une porte et une seule plantait là qui nous servait à nous assoir pour nous reposer ; un rite que nous faisions presque chaque année, presque souvent à la même période ; non pas pour fêter quoi que ce soit mais simplement par notre envie. les nuages avaient remplacés le soleil et la neige continuait son petit manège paresseux, recouvrant nos épaules d'eau bien trop fraîche.

nous étions habitués à de forte chaleurs et tenons plutôt bien ; mais alors, l'hiver, c'était une tout autre histoire - d'ailleurs, notre corps nous fit éternuer - signe que nous n'étions pas dans notre élément naturellement bouillant que contait notre très chère mythologie. en même temps, un enfer froid - quoi que, cela pourrait être grisant tout autant, non ?  un sourire sur notre visage sans que nous puissions changer cela de toute manière ; notre enfer avait déjà été écrit de toute pièce et il comportait bien trop d'endroit chaud bouillant.

mais même sur terre ;
ou dans les enfers de cette terre ;
nous ne pourrions être tranquille,
n'est-ce pas, l'indésirable dont on entendait les pas ?

(musique.)I
l fait froid, c'est l'hiver et les nuages jouent à cache-cache dans le ciel. Peut-être qu'elle n'est pas habillée pour l'occasion et que ses épaules frêles à peine recouvertes d'un gilet ne sont pas de mise, mais Vera n'en a que faire. Elle n'aime pas sortir emmitonnée la petite princesse, elle aime sentir le froid mordre sa peau et si elle le pouvait elle enlèverait ses chaussures pour marcher sur la neige nue. Profiter de la sensation unique. Mais elle n'ira pas jusque là (pas aujourd'hui) non aujourd'hui elle cherche. Du coin de l'oeil, d'un regard attentif à chaque broussaille, chaque pierre qui peut se retourner quand son regard finit enfin par s'éclairer quand elle a trouvé le sujet de sa chasse au trésor. Hadès ! Vous voilà. J'étais sûre que vous seriez dans le coin.

Un sourire monte à ses jolies lèvres alors qu'elle s'avance des ornements de pierre, apposant sa main contre celles qui tiennent debout comme un entrebâillement de porte. Je suis ravie de vous voir. Plaisir probablement pas partagé
(elle n'est pas dupe)
mais elle profite malgré tout de l'occasion pour soupirer de soulagement. Elle aimait la forêt mais n'avait pas le meilleur sens des directions. Au pire, elle aurait pu survoler la zone, mais c'était bien moins précis. J'espère que vous allez bien. Vous profitez de la neige ? C'est joli comme paysage. Il n'en a sûrement peu faire mais c'est pas grave parce qu'elle a bien raison Vera et que les paysages enneigés sont d'une beauté sans pareille, aussi unique que les couchers de soleil ou les nuages épais de brouillard dans lesquels on se perd.

Puisque vous êtes là... J'aimerais vous poser des questions. Encore. Ce n'est pas la première ni la dernière fois qu'elle s'aventure sur ce terrain et sa réponse lui importe peu. Ce n'est pas comme si elle en attendait une, d'ailleurs. C'est surtout la curiosité qui la pousse à chasser un dieu, à articuler des pensées compliquées pour elle. C'est qu'elle pense beaucoup Vera, mais qu'elle tourne en rond avec ses réflexions qu'elle ne se voit pas poser à son entourage proche. Alors Hadès était sa meilleure occasion, et elle n'allait pas la manquer. Qu'est-ce que ça fait d'être un dieu qu'on vénère ? puis elle se reprend Ou vénérait plutôt, je ne suis pas sûre que vous ayez encore beaucoup d'adeptes. et pouf Vera, les pieds dans le plat.  

nous devions être maudit, ce n'était pas possible autrement ; mais après tout, étant un roi des enfers, nous ne pouvions nous attendre à un pouvoir des fleurs ou à ne serait-ce qu'avoir des gens sympathiques, non ? en même temps, nous ne voulions pas - le bonheur d'autrui nous fatiguait, leurs dialogues nous ennuyaient et nous ne voulions de toute façon point subir la joie tout simplement. mais même ne serait-ce que niveau invisible, nous voulions à la limite attirer cerbère qui était parti, nous ne savions pas trop où ; ou encore voir mégère : alors pourquoi devions-nous attirer une princesse ?

long, vraiment très long soupir tandis qu'elle commençait à nous parler ; et grimace sur notre visage quand elle se trouvait pile à l'encadrement des pierres, qui donnaient une sensation de porte ; ce que nous redoutions par-dessus tout - c'est qu'il pouvait surgir n'importe quoi derrière le chambranle d'une porte, nous le savions bien, en ayant fait les frais durant des siècles et des siècles. prenant notre canne pour nous relever et reculer de quelques pas de cette invisible bien trop lumineuse pour nos pauvres yeux bien fatigués ; surtout qu'elle continuait sur sa lancée à blablater.

nous aurions pu bien entendu l'ignorer, ce que nous faisons la plupart du temps d'ailleurs - quand nous ne faisons pas des remarques acerbes sur le temps libre qu'elle a l'air de posséder assez pour nous casser les pieds ; ou bien nous finissions par partir en la laissant là - sans remords aucun, disons-le. mais sa dernière remarque nous fait lever notre sourire, un demi-sourire de contrariété ; quoi, elle voulait aussi nous embêter d'une autre manière aujourd'hui, nous mettre plus bas que terre, ce lieu si naturel pour nous que cela nous dérangeait nullement ? elle souhaitait donc savoir ? bien, nous lui devons bien ça.

« quand mes adeptes brûlaient des offrandes vivantes ou bien quand on perpétrait des meurtres de vengeance en hurlant mon nom pour que sanction soit effective aux enfers, tu voulais dire ? et tu penses réellement, que même aujourd'hui, cela n'existe plus ? » sourire cruel sur notre visage, voix qui se casse un peu vers la fin, n'ayant pas l'habitude que nous l'utilisions autant, la neige silencieuse autour de nous tandis que nous fixions dans les yeux cette princesse, cette frêle invisible si jeune qui ne connaissait ni la cruauté des hommes, ni leurs regrets, leurs envies cruelles au fond de leur cœur, qu'ils exprimaient dans l'horreur, que cela soit il y a des siècles ou aujourd'hui encore.

(musique.)C'
est qu'elle ne comprend pas trop - déjà, que ce qu'elle ait dit puisse être offensant (elle ne fait que constater quelque chose) une opinion comme une autre. Et puis elle te voit mal être blessé par ses simples mots jetés en l'air. Elle se doute que tu es bien au-dessus de ce genre de choses. Non à part un frisson par l'hiver elle se dit que tu es aussi froid que les pierres qui vous entourent, gardé bien frais toute l'année par la protection des arbres et de la forêt.

Ton sourire lui fait cligner des yeux (elle n'a pas l'habitude) elle dirait presque que ça te va bien si ça n'était pas suivi par des propos horripilants. Pourtant, passée la surprise, elle est d'un calme étonnant, Vera. Elle n'a pas l'air de broncher plus que ça, et d'ailleurs elle se reprend. Oh, non, je ne dis pas que ce genre de choses n'arrive pas. C'est malheureux mais les humains sont des êtres parfois si cruels. Elle fait quelques pas sous la porte, puis se tourne pour repasser dessous au rythme de sa réflexion. Je veux dire plutôt que vous avez beau exister, à l'heure d'aujourd'hui, ce n'est pas comme si les meurtriers ou les criminels pensent à vous quand ils commettent des actes terribles, pas vrai ? C'est juste quelque chose qui vous revient un peu par défaut, non ? Et puis vous n'êtes pas le seul être ayant régné sur une forme des enfers, pas vrai ? Ca pourrait très bien être adressé à quelqu'un d'autre. Elle repasse une nouvelle fois sous la porte en croisant les bras et en en frottant un peu un pour faire mine de se réchauffer. Du coup, comment ça se fait que malgré le fait qu'on ne vous prie plus spécifiquement vous soyez toujours une déité prédominante ? Est-ce que c'est uniquement dû à votre existence dans les mythes et les légendes ? Elle finit même par murmurer - Et qu'est-ce que ça fait d'être au pouvoir sans vraiment avoir de fidèles ? Elle a tant de questions, elle ne sait plus où donner de la tête ! Elle la secoue d'ailleurs légèrement; Ca fait beaucoup d'un coup, pardon. La politesse jusqu'au bout des ongles quand elle n'est pas perdue dans son interrogatoire.

nous sentons bizarrement qu'elle risquait de parler longtemps, rien qu'à sa première phrase ; que nous ne pûmes retenir notre bâillement guère discret, que ne nous ne cachons même pas derrière une main, par bienséance, respect, tradition, autre. non, le pire est sa manie de passer devant cette porte, à l'intérieur de cette porte, derrière cette porte, innocente et stupide jeune invisible - nous serrons notre pommeau, le crâne s'incrustant dans notre paume et laissant une trace bien visible tandis que nous serrons nos dents entre elles pour ne pas réagir à ce manège. si nous le faisons, nous sentons une pluie de questions toutes plus incongrues les unes que les autres, toutes plus horripilantes, toutes plus embêtantes si nous n'avions pas un autre terme plus adéquat et vulgaire à utiliser.

nous n'avons même pas tout suivi de ce qu'elle racontait, pour dire à quel point notre capacité de concentration à l'égard de cette princesse était inexistante - non, nous la fixons simplement en laissant un long, long soupir sortir de nos tripes, de notre ventre, de notre corps ; le fait qu'elle nous vouvoie, mais que nous la tutoyons est un bon signe de notre irrespect envers cette individue.

« t'as fini ? » clair, net, précis, chirurgical et tranchant ; « qu'est-ce que j'en sais moi ? j'en ai fichtrement rien à carrer du pourquoi du comment ; je suis juste toujours là malgré mes quoi ? deux mille siècles ? » reprendre notre souffle, trop parler nous fatigue de toute façon « et je serais surement encore là quand tu auras fini ton règne de reine et que tu seras disparue. » un sourire cruel sur notre visage « ma pauvre chouchoute, tu n'auras pas de réponses que tu seras déjà ... pouf ! » claquement de doigts pour signifier son oubli - de tous et de toutes, surement pas de ta mémoire par contre ; et tu ne comptes nullement lui souffler que derrière ton pouvoir sacrilège se cachait une opportunité pour tous les oubliés de revivre.