Peu importe combien de fois ça arrive, elle ne s'habitue jamais vraiment, Élégie, la tristesse qui monte comme un raz-de-marée sur l'âme (qui te noierait presque, parfois), elle sent les signes annonciateurs mais jamais elle ne parvient à s'en détacher.

Et ça la frustre, parce qu'elle devrait se sentir bien, avec elle
(t'es lassée de tout ruiner, tout le temps
parfois tu ne sais pas si tu mérites tant de tendresse)

Si c'était quelqu'un d'autre, sûrement qu'elle aurait trouvé un prétexte, changé le sujet, tout pour ne pas s'y attader mais
avec Vera il y a quelque chose qui te donne envie de te confier, de ne pas te cacher
(qui serais-tu pour lui refuser ce privilège ?)

Elle hoche la tête, timidement.
(Oui, encore.)
Et encore, et encore, ça fait partie des fardeaux qu'elle porte, constamment sur ses épaules fragiles,
(et tu le sens, tu pourrais te briser en mille morceaux,
mais tu ne voudrais pas que Vera se blesse à tenter de ramasser tes éclats)
Elle aimerait tellement avoir une autre réponse, quelque chose pour
expliquer, pour te justifier pour
comprendre
(tu t'en veux, tu sais que Vera elle en a déjà tellement à se préoccuper
tu aimerais tellement pouvoir lui offrir des belles choses, à la place)

Mais les explications lui manquent, et elle laisse un peu flotter le silence entre elles,
avant de (juste un peu) s'appuyer contre la main de Vera
(juste un petit peu encore, s'il-te-plaît)
Pourtant Élégie n'a pas envie qu'elle te prenne tes peines, comme elle sait si bien le sait le faire,
(c'est tes peines et les tiennes seulement)
simplement le réconfort
(tu y a droit, n'est-ce pas ?
tu t'efforces de faire taire les doutes dans ta tête qui tentente de te convaincre autrement)

Elle hésite un peu Élégie mais elle finit par rassembler ses mots ;
elle veut bien en parler, elle sera d'ailleurs toujours la première à encourager les autres à
parler, à partager
(c'est le temps de suivre tes propres enseignements)
Et c'est timide, la voix qui flotte par-dessus le silence sans réellement le briser.

Des fois, ça me prend. Tu sais, comme des fois un détail insignifiant peut te rappeller des souvenirs ? C'est un peu ça, mais à la place des souvenirs c'est une sorte de tristesse nostalgique. Je sais pas exactement ce qui cause ça en ce moment, mais il y a un truc qui vient me chercher, je suppose.

Elle n'ose toujours pas croiser son regard, Élégie,
elle le sent, si elle voyait la douceur dans les yeux de Vera, elle finira probablement par pleurer;
alors avant que les larmes commencent à déborder, elle tente de les ravaler,
en ignorant sa gorge serrée, qui tente (pour l'instant encore sans succès) de contenir les mots, presque murmurés

Tu sais, je ne veux pas t'embêter avec ça, ça va finir par passer, comme toujours.

C'était vrai, après tout, aussitôt le nuage venu qu'il disparaissait,
(pourtant c'est si difficile de s'en rappeler lorsque tu es dans l'oeil de la tempête
alors tu te concentres, sur la peau contre la tienne, sur la tendresse dans la voix de Vera,
parce que c'est elle qui te sauvera au final.)

Elle sait que ce n'est pas de la faiblesse, après tout,
elle sait que les peines se partagent comme le  bonheur,
alors elle se laisse aller à la tendresse qui l'enveloppe, qui fait son chemin à travers la brume chagrine,
elle se concentre sur l'autre paume qui vient rejoindre son visage,
sur la douceur de sa voix, si jolie et si angélique, à te
partager ces paroles (si belles et rien que pour toi car si pour les autres
c'est Vera la princesse, pour toi c'est rien que
Vera
et tu sais que tu as bien de la chance)

Elle se permet un regard, reflété par celui si sincère de son amie
(tu te demandes un peu, qu'est-ce qui te faisait si peur, si honte ?
alors qu'en vérité, peut-être l'aurait tu plus heurté à ravaler tes larmes à
te refuser tes propres émotions)
et elle se laisse voguer un peu dedans, mais elle écoute si attentivement, tout comme on l'écoute tout aussi attentivement.

Merci. Ça me touche beaucoup.
Bien sûr qu'elle s'en souviendra
(comment oublier une telle promesse)
Et elle sait qu'elle la tiendra, des mots comme toujours, ça ne s'utilise pas à la légère
(tu espères que tu garderas ta place à ses côtés;
car après tout un jour, elle sera reine et peut-être trop occupée pour toi
oh mais ça, tu essayes de ne pas trop y penser)

Elle sent son visage se rapprocher, et elle laisse faire Vera,
elle est sans crainte
(tu la laisserais te prendre la main et t'emmener jusqu'au bout du monde, si elle le souhaitait)

Je-
(Tu ne veux pas pleurer.)
Puis, elle a essayé, Élégie, elle a essayé de résister, en espérant que ça passe, en clignant des yeux pour que les larmes s'évaporent mais c'est
futile c'est
impossible (lorsque Vera te parle comme ça, lorsque tu entends jamais qui sort d'entre ses lèvres, d'une sincérité assourdissante dans le silence sacré)
et les larmes commencent à se déverser le long de ses joues
Car la tristesse est une chose, mais l'affection inconditionnelle en est une toute autre, elle vient remuer quelque chose dans le creux de coeur, et la digue se brise pour laisser déverser le torrent.

Vera-( Les mots restent pris dans ta gorge, mais tu essayes, car c'est important, tellement important) Merci.

Elle laisse les larmes rouler le long de ses joues, ses épaules (si délicates) qui se laissent aller contre chaque secousse avant de
finalement reprendre son souffle, l'ouragan s'est calmé pour ne devenir qu'écume de sanglots.

Dis, tu me le dirais aussi ? Si tu étais triste. Je sais qu'à cause de ton rôle, tu ne peux toujours te permettre de te laisser aller aux émotions mais... à moi, tu le dirais ?

Elle souhaiterait elle aussi, être là
(comme elle l'est pour toi)
Elle ne sait pas si elle serait à la hauteur,
mais elle voudrait bien partager ses peines aussi.

Même les pires orages finissent par passer, elle le sait, il suffit d’attendre, de se mettre à l’abri en attendant,
et elle a trouvé un abri temporaire, aux côtés de Vera, dans le calme qui les enveloppe.
(Tu sens les larmes tendrement balayées, tu t’efforces de te concentrer sur le mouvement presque rythmique, ça te permet de t’ancrer un peu)

Pourtant la douleur est toujours présente, elle semble s’être nichée dans un recoin de ton âme
(tu sens ses griffes, un peu plus serrées, à t'en tordre les entrailles)
et combien même elle tente de penser à autre chose, à des souvenirs plus heureux
(ton cerveau te tend carte blanche, oublie soudainement de répondre à la demande)
à se rappeler que tout va bien, en ce moment, c’est un simple
moment entre amies, il n’y a pas à pleurer comme ça et pourtant
pourtant les pleurs ne semblent pas vouloir se tarir.
(Oui, l’oeil de la tempête est passé, mais il pleut toujours si fort dans ta tête)

Elle attend sa réponse, elle espère fort que Vera dira oui,
parce qu’Élégie elle veut être une bonne amie, quelqu’un à qui Vera pourrait tout dire,
(pour ça tu dois devenir un peu plus forte,
tu le sais, mais tu es prête à essayer
pour elle, tu le ferais)
Et ça vient comme un soulagement, lorsque les mots tant souhaités sortent d’entre ses lèvres.
J’espère aussi que ça ne t’arrivera pas. Je ne le souhaiterais à personne, mais particulièrement pas à toi. Et si je ne suis pas là quand ça t'arrive, je veux que tu viennes me chercher. Je veux être là pour toi.

(Toi, tu es habituée après tout,
Vera elle, elle mérite le monde, tout en joie et en douceur
et tu sais qu’elle prend déjà tellement de fardeaux sur ses propres épaules)

Elle se laisse enlacer, Élégie, elle fond contre Vera, passe ses bras autour d’elle, s’accroche presque
(comme pour dire, s’il-te-plaît, ne me laisse jamais partir)
Je suis contente que tu me fasses confiance, ça me touche beaucoup. J’espère que je pourrai t’aider, si ça arrive, comme toi tu m’aides. En retour, je te promets de faire de mon mieux.

Elle prend un peu de temps pour apprécier le moment présent, de sentir la main de Vera contre son dos et ses doigts agiles qui caressent ses cheveux.
(Tu as beau être triste, tu voudrais un peu rester là pour toujours
comme ça, entre ses bras, juste vous deux
sans tous les maux de la Terre pour vous faire du mal)

Je te le dirai aussi. Je n’essaierai plus de le cacher. Pas à toi, en tout cas.

Car c’est comme ça qu’elle était Élégie après tout, elle prend sur elle
(tu prends et tu prends et tu prends, jusqu’à que tu n’en puisses plus et que t’exploses
comme aujourd’hui
un vase trop plein des larmes salées que tu retiens loin des autres)
Après tout, elle guide, Élégie
quelle guide ferait-elle si elle s’écroulait ? Alors elle se dit, peut-être qu’à force, ça cessera de lui brûler les yeux, de lui écorcher les cordes vocales, peut-être que ça deviendra deuxième nature
(mais d’un côté, ça te fait peur un peu,
de permettre ta sensibilité qui t’es si propre)

Sauf que aujourd’hui, elle se dit que,
elle peut se le permettre, peut-être.
Elle ne veut pas faire du mal à Vera,
elle serait prête à supporter toutes les peines du monde, pour que Vera ne souffre pas
(parce que la voir souffrir, ce serait encore pire douleur)
mais elle est tentée, Élégie, rien qu'un peut
(juste un peu—
juste le temps de reprendre pied
tu te le promets)
qui ne le serait-pas, devant l'offre d'un tel refuge ?

Alors timidement, à son tour un chuchotement qui s’élève pas plus haut qu’entre elles deux
D’accord.
Puis s’empresse de rajouter ses conditions, tout aussi craintivement
Pas pour longtemps, okay ? Juste le temps que je reprennes mes forces. Et si c’est trop, je veux que tu arrêtes.
Parce qu’elle le sait déjà, Élégie, qu’elle va s’en vouloir, de voir Vera en détresse à son tour,
troquer une douleur pour une autre
(tu t’en veux tellement)
mais elle le sait, la force ça commence par reconnaître ses limites.

Elle est un peu son phare dans les tempêtes, l’étoile polaire des nuits sans lune, et elle serait
perdue, complètement perdue, sans elle.
En temps normal, elle aurait peur un peu, de s’attacher autant à quelqu’un
(tu le vois si souvent, comme l’amour peut être à double tranchant car, faire confiance à quelqu’un c’est aussi
lui laisser la porte d’entrée pour blesser mais
jamais
jamais Vera ne te blesserait, ça tu en es persuadée même que s’il n’y a qu’une seule vérité dans l’univers c’est bien celle-là)
alors elle laisse les barrières tomber, pour de bon, car ici elle est
en sécurité, plus rien de mal ne pourra lui arriver, pas tant qu’elle sent l’étreinte de Vera autour d’elle.

Puis petit à petit, elle sent la souffrance qui se dilue un peu, se dissous pour laisser plutôt place à une douleur plus de fond, beaucoup plus supportable que les lancinantes peines aiguës qui transperçaient son corps il n’y a que quelques minutes déjà.
(Tu ne vois pas le visage de Vera, mais tu le sais, que tes peines sont maintenant siennes et ce sentiment de culpabilité vient te visiter comme tu l’avais si bien prédit et tu espères seulement que
Vera ne pourra pas le sentir)

Mais c’est qu’elle fait ça pour elle, rien que pour elle, et se sentirait encore plus coupable de voir Vera souffrir pour rien, alors elle s’efforce, Élégie, de se concentrer sur les belles choses, sur les douces paroles, destinées à elle et rien qu’à elle; de profiter de ce moment de répit inespéré pour reprendre pied sur la terme ferme, pour se rebâtir après les cataclysmes pour
apprécier la bienveillance de Vera,
(qui est un comme un écho à celle de bien d’autres invisibles et humains que tu connais)
elle émerge à nouveau Élégie, elle revoit les belles choses autour d’elle, les éclats de soleil couchant qui s’accrochent en étincelles contre les statues, le silence qui ne semble plus aussi opprimant maintenant mais seulement
paisible
(et tu sais que c’est tout grâce à elle)

C’est moi qui devrait te dire merci. Merci, Vera. Je crois que tu ne te rends pas compte à quel point tu me fais du bien en ce moment.

Pas rien que ton pouvoir qu’elle aurait envie d’ajouter, car elle veut vraiment dire
toi, Vera, tout de toi, princesse héritière oui mais surtout
amie, confidente, une âme qui fait sentir la sienne à l’aise
(comme si toutes vos vies vous vous étiez connues, une confiance inébranlable entre vous, que tu ne saurais même pas questionner, car c’est simplement une évidence pour toi)
Le surnom, à nouveau, qui vient panser ses plaies (car tu n’as pas l’habitude de te faire surnommer, Ely, à chaque fois c’est quelque chose d’un peu nouveau qui vient mettre du baume au coeur, pourtant tu voudrais que ça ne reste
rien qu’entre vous,
quelque chose de spécial)

Elle pourrait rester là toute la vie, elle a l’impression,
elle a des responsabilités, certes, et elle lui tiennent à coeur
(un peu trop à coeur parfois, tu t’oublies tellement souvent)
mais dans le moment, elle a simplement envie de rester là, de sentir Vera contre elle et d’entendre as voix.
(Même avec les relents de douleurs incrustés au creux de tes veines, c’est toujours ce que tu choisirais)

Je sais. De la plus douce des voix, d’une voix à la certitude pure et simple, car oui, c’est une évidence, elle sera toujours là pour toi, tu n’en doutes même pas une seconde. Un murmure s’élève à nouveau.
Je ne sais pas ce que je ferais sans toi… Je suis si chanceuse de te connaître.

(Sans doute survivrais-tu, car après tout il faut vivre mais
ce ne serait pas pareil, sans elle, il manquerait un morceau, une pièce manquante de la mosaïque qui compose ton être).