la lune sourit ; vous souriez à pleines dents tandis que vous savez que votre lettre fut arrivé à bon port ; qu'elle est arrivée jusqu'aux doigts de votre amie si solitaire, si triste ; de cette amie si jeune et qui n'ose pas faire ce premier pas ; à n'en point douter, votre sourire s'agrandit, car vous imaginez déjà son visage ahuri. de cette lettre.

« ma chère amie ,
la lune vous convie à une matinée enchanteresse ;
au plus haut du ciel, entre deux matelas de nuage. »

oui, vous riez aux éclats tandis que vous vous couchez sur ce nuage ; de votre poids qui n'est que léger, vous vous vautrez et affaissez juste assez pour ne pas disparaître entre les plis de ce duveteux lit. vos doigts qui se tendent vers ce ciel si coloré, si magnifique et un semblant de lune au loin ; représentatif et miroir de ce monde humain, mais spectacle que vous ne pouvez vous offrir là-bas, votre pouvoir n'étant pas suffisant pour voler si haut dans les cieux. ici, dans cette dimension, vous le pouviez : vous roulez dans ces nuages, ce que vous faites, d'un côté et de l'autre, votre rire cristallin accompagnant la douce promenade du ciel.  

vous attendez avec impatience de pouvoir raconter vos nouvelles aventures, vos nouvelles histoires, les nouvelles épopées ou tragédies qui surviennent dans le monde des humains, à cette jeune enfant ; lui montrer toute la beauté de pouvoir voir ce monde d'en haut, que tout soit si petit, que tout donne envie de prendre dans vos bras cette terre et cette dimension. que même si la tristesse existe, que même si le cycle ne s'arrête pas et ne pourra jamais s'arrêter ; l'espoir subsiste au creux de votre coeur pour pouvoir lui transmettre la graine d'un lendemain souriant.

vous ne vous posez jamais la question de savoir pourquoi vous appelez les invisibles par le doux nom de "mon enfant" ; vous ne vous sentez pas pour autant l'âme d'une mère - mais par habitude d'être considérée comme la plus âgée, vous avez fini par le faire spontanément. parce que vous, ce ne sont que de jeunes pousses - déjà créer, possédant déjà une histoire qui leur est propre ; mais, et pourtant, encore si innocent, n'imaginant pas le monde qui n'est pas le leur et dans lequel iels arrivent. un caractère qui leur est attribué ; de sentiments créé à leur insu - tout comme vous n'avez eu le choix d'épouser votre mari, car tout était déjà écrit, parce que tout était déjà acté, puisque rien ne fut de votre décision ; sauf votre divorce. il vous arrive d'envier les invisibles émotionnelles ... parce qu'iels peuvent tomber librement amoureux, de leur propre libre arbitre.

mais il n'est pas coutume pour vous de vous plonger si profondément dans vos pensées, vous vous tournez vers votre invitée ; vous laissant vous redresser en position assise, vos mains applaudissant - l'arrivée et la volonté de cette enfant d'être venu aussi haut ; vous la félicitez.

son rire vous fait du bien, son rire est bienveillant - son rire est doux et chaleureux même si timide.

oui - certains panoramas sont magnifiques, nous donne envie de juste les contempler en silence ; de pouvoir l'immortaliser, mais sans jamais oser appuyer sur le bouton pour le faire - car on souhaite, à la limite, le garder pour nous et rien que pour nous. car la beauté, une fois capturée, reste enfermée à jamais.

« oui, c'est magnifique ... » un doigt qui se lève doucement, un doigt qui forme un L dans l'air pour créer un tout petit croissant de lune d'un vert si doux, tombant doucement avant que vous ne l'attrapiez entre vos paumes jointes, le tendant à votre amie ; votre enfant.

un subtil parfum de cèdre flotte autour de ce cadeau ; signe de votre pouvoir, odeur forestière d'un emblème du ciel - un subtil croisement entre ces cieux et cette planète, couvée entre des doigts nuageux.  

un présent, un cadeau ; un sourire bienveillant sur votre visage - vous ne savez quand ce présent s'effritera en particules, quand est-ce qu'il retournera comme des petits cristaux ; cela pourrait être dans quelques jours, comme dans quelques mois ; mais tout comme un cycle, celui-ci finira par être détruit.

votre sourire est bien large, bien éclatant quand votre compagne accepte le présent, vous permettant de lui glisser entre ses mains - quand une minuscule partie de vous est créée et se glisse pour donner un peu de chaleur à autrui, un peu de joie, quand vous voyez que votre cadeau fait effet, quand vous rougissez face à ses compliments, une main qui se tend en la secouant frénétiquement tandis que l'autre se pose sur vos joues rouges.

vous reprenez votre sérieux quand elle vous demande si elle peut vous poser une question, tandis que vous hochez la tête de haut en bas - vous attendez patiemment qu'elle puisse éclaircir ses idées, qu'elle puisse poser ce qui lui trottait dans la tête ; c'était important et cela l'est de pouvoir communiquer, de pouvoir résoudre des questions que vous pouviez vous poser.

« Comment vous faites, pour être heureuse comme ça ? Enfin… je suis sûre que parfois, vous devez être triste vous aussi, mais vous semblez si… épanouie ? Comment on fait, pour voir le monde comme ça ? » vous pincez vos lèvres entre vos dents, vous regardez ce ciel étoilé et cette lune au loin ; vous réfléchissez et puis finalement, vous prenez la parole vous dire simplement ce qui vous passe par la tête « quand on vit depuis des siècles et des siècles ... vient une lassitude de notre propre vie. on se demande pourquoi on est né, pourquoi on continue de vivre tandis que d'autres disparaissent. quand on est nés de l'esprit d'un humain, on ne se pose la question de savoir de quoi sera fait le lendemain, car on n'a aucune idée de ce qui nous attend. de combien de temps nous vivrons. » reprendre son souffle « j'ai vu des invisibles grincheux, caractériels, curieux, volatiles, odieux, charismatiques, souriant, joyeux, tristes ; disparaitre, encore et encore. » des larmes sur vos joues. de la tristesse dans votre voix tout en ayant un soupçon de joie en repensant à tous ces invisibles, ou même tout simplement à ces humains que vous avez pu côtoyer. « qu'on soit humain ou invisible, on finit tristement par avoir une fin. une fin joyeuse, triste ou amère, cela dépend de chacun et chacune. » laisser un seul temps, un seul petit temps pour souffle « de mon côté, je souhaite juste que ma fin soit heureuse et joyeuse tout comme le fut ma vie ; tout comme quand je me suis relevée pour ne pas sombrer dans le désespoir, tout comme j'ai envie de pouvoir faire profiter aux oubliés d'un peu plus de temps, ce que je ne peux malheureusement pas accorder aux humains, et pourtant, j'aimerais. »

vous tournez votre regard vers cette invisible. « la tristesse n'est pas une mauvaise émotion, la tristesse n'est pas mauvaise… elle permet de vider ses larmes, elle permet de s'endormir, elle permet de faire écouler nos regrets, notre désespoir pour qu'on puisse sourire un peu plus le lendemain. » un sourire malgré vos larmes « et comme iels sont tous partis, moi, je reste là pour perpétuer leurs mémoires à travers mon sourire, pour pouvoir aider quelqu'un, humain ou invisible, un peu plus, juste un jour de plus, sans penser à ma propre fin qui finira par arriver. »

pour tous celles et ceux ;
qui n'ont plus de présent.